Présomption de démission : une procédure de rupture
Le salarié qui abandonne volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure par son employeur de le faire, est désormais présumé démissionnaire et sera ainsi privé des allocations de chômage
Juridique & Social
Auparavant, l'employeur ne pouvait jamais considérer comme démissionnaire un salarié au seul motif qu'il avait abandonné son poste de travail. En effet, selon une jurisprudence constante, la démission nécessitait une volonté claire et non équivoque de rompre le contrat de travail et l'employeur ne pouvait pas prendre acte de la rupture du contrat par le salarié. Il n'avait donc pas d'autre choix que celui d'engager une procédure de licenciement disciplinaire. Cependant, depuis le décret n° 2023-275 du 17 avril 2023 applicable depuis le 19 avril de la même année, une autre procédure est possible : la présomption de démission. Celle-ci est prévue par l’article L1237-1-1 du code du travail.
En application de cette procédure, le salarié qui abandonne volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure par son employeur de le faire, est désormais présumé démissionnaire et sera ainsi privé des allocations de chômage. Il peut toutefois arriver que l'absence du salarié soit liée à un évènement indépendant de sa volonté. Dans ce cas, il dispose d'un délai minimal de 15 jours calendaires à compter de la présentation de la mise en demeure, pour justifier le motif de son absence (article R1237-13 du code du travail).
La procédure
La présomption de démission s’applique uniquement pour les CDI.
En l’absence de justification de l’absence du salarié l'employeur doit mettre en demeure par courrier (voir encadré pour les modalités) le salarié de reprendre son poste de travail dans un délai qui sera au minimum de 15 jours calendaires. Ce délai de 15 jours commence à courir à compter de la date de première présentation de la lettre recommandé avec avis de réception au salarié. L’employeur doit donc tenir compte des délais postaux. Pour rappel, le salarié a 48h pour communiquer à l’employeur son arrêt maladie.
Concernant les salariés protégés, la situation n'est pas envisagée par le code du travail. Cette procédure semble échapper à la protection spécifique contre le licenciement, qui en théorie ne s'applique qu'aux cas de ruptures à l'initiative de l'employeur. Mais il n’y a aucune confirmation dans les textes donc il conviendra d’être prudent.
Les différentes issues possibles dans le délai des 15 jours
- Hypothèse 1, le salarié reprend son poste de travail : Si le salarié reprend son poste avant le terme du délai imparti dans la mise en demeure, il n'y a plus présomption de démission. La procédure engagée par l'employeur doit s'interrompre mais une sanction disciplinaire peut être prise.
- Hypothèse 2, le salarié ne répond pas, ne reprend pas son poste ou répond qu'il ne reprendra pas son poste sans autre explication : il sera présumé démissionnaire et sera privé des allocations de chômage. Dans ce cas, les règles de droit commun de la démission s'appliquent et le salarié est supposé devoir effectuer un préavis de démission (voir ci-après). Afin de sécuriser la procédure, nous vous conseillons, à l’expiration du délai de 15 jours et sans reprise du travail, d’envoyer un second courrier recommandé pour confirmer la démission. Celui-ci devra reprendre les éléments contenus dans la mise en demeure et acter le fait que la démission va être appliquée.
- Hypothèse 3, le salarié répond et justifie son abandon de poste par un motif légitime : D’après l'article R1237-13 du code du travail dans le cas où le salarié évoque un motif légitime pour faire obstacle à une présomption de démission, il doit l’indiquer dans sa réponse à la mise en demeure à son employeur. La justification d'un motif légitime par le salarié, dans sa réponse à la mise en demeure, fait obstacle à l'application de la présomption de démission et la procédure engagée cesse.
Sont notamment considérés par ce même article du code du travail comme des motifs légitimes :
- les raisons médicales
- l'exercice du droit de retrait prévu à l'article L4131-1du code du travail
- l'exercice du droit de grève prévu à l'article L2511-1du même code
- le refus du salarié d'exécuter une instruction contraire à une réglementation
- ou la modification du contrat de travail à l'initiative de l'employeur, le salarié indique le motif qu'il invoque dans la réponse à la mise en demeure.
L’éventuel préavis
L’ancien questions/réponses du ministère retiré depuis, précisait que le salarié restait redevable de l'exécution du préavis s'il existe. En l'absence de précision à ce jour et conformément à ce document, on pourrait estimer que le préavis démarre à compter de l'expiration du délai de 15 jours. Cela signifie que le contrat de travail du salarié sera rompu à l’issue du préavis même si compte tenu du contexte, il est peu probable qu'il l'effectue en pratique. Il conviendra d’être prudent et de bien préciser le sort du préavis dans la lettre de mise ne demeure.
Si le salarié n’effectue pas son préavis, l'employeur ne lui devra aucune indemnité compensatrice. Si l'employeur prend l'initiative de dispenser le salarié de préavis dans le courrier alors il devra lui verser une indemnité compensatrice. Dans le cas où employeur et salarié se mettraient d'accord pour que le préavis ne soit pas effectué, l'indemnité compensatrice ne serait pas due.
La rupture du contrat
En l'absence de réponse de la part du salarié ou de communication de justificatifs couvrant la période d'absence ou s'il répond qu'il ne reprendra pas son poste l'employeur peut légitimement le considérer comme ayant démissionné. Le contrat pourra être répondu à l’expiration du préavis. Le législateur n’impose aucune formalité supplémentaire spécifique à la charge de l’employeur à condition que le courrier de mise en demeure soit clair et complet.
L’indemnité de congés payés sera due au salarié. L'employeur devra remettre au salarié les documents de fin de contrat habituels (certificat de travail, solde de tout compte, attestation d'assurance chômage). Ces documents doivent faire apparaître la mention « démission ».
Malgré l’existence de cette procédure de présomption de démission, il est toujours possible de passer par la voie du licenciement pour faute. Il conviendra de ne pas confondre ces deux procédures qui ont des formalités distinctes.